La Cour des Comptes s’interroge sur l’efficacité des opérations de contact tracing de l’assurance maladie


 

Dans l'audit flash qu’elle consacre  aux opérations de traçage des contacts réalisées par l’Assurance Maladie, la Cour des Comptes rend hommage à l’implication de l’assurance maladie (son efficacité dans la mise en place des plateformes d’appels, le deploiement d’enquêteurs, le recrutement de milliers de contractuels à durée déterminée) mais s’interroge sur l’efficacité du dispositif. La Cour des Comptes formule, à l’issue de ce rapport, une recommandation unique :  »évaluer scientifiquement l’impact du contact tracing sur les chaînes de contamination de la covid 19 » en vue de « concevoir un dispositif de crise visant à rompre ces chaînes et pouvant être activé puis désactivé dans des délais rapides dans l’éventualité de nouvelles épidémies de grande ampleur »

 

 

 

« L’identification des personnes cas contact à risque ou contact tracing

 

 

Entre 2020 et août 2022, 34,5 millions de cas de contamination à la covid 192 ont été identifiés en France (hors résultats des auto-tests). Plus de 150 000 personnes sont décédées, dont près de 126 400 à l’hôpital3.

 

Le contact tracing, déployé à partir de mai 2020 à la sortie du premier confinement4, est l’un des outils de lutte contre cette épidémie. Il consiste à joindre, par téléphone, par SMS ou par courriel, les personnes dépistées positives afin qu’elles recensent les personnes avec lesquelles elles ont eu un contact à risque, puis à prendre l’attache de celles-ci, en préservant l’anonymat des personnes positives, et à utiliser ces échanges pour communiquer des consignes de prévention (tests pour détecter une contamination pour les personnes contact ou une guérison pour celles positives ; isolement dans l’attente ou à la suite de leurs résultats).

 

L’implication de l’assurance maladie dans une mission de santé publique inédite, de grande ampleur et évolutive

 

Dans l’urgence, l’assurance maladie a créé un nouveau système d’information, mis en place des plateformes départementales d’enquêteurs, recruté des milliers de contractuels à durée déterminée, puis indéterminée pour stabiliser les effectifs et adapté continûment son dispositif.

 

Depuis mai 2020, l’assurance maladie a joint plus de 32 millions de personnes dépistées positives et près de 22,7 millions de personnes contact, d’abord par téléphone puis essentiellement par SMS ou par courriel.

 

Au total, les dépenses liées au contact tracing, notamment de personnel, pourraient dépasser 600 M€ au titre des trois années 2020 à 2022.

 

Une efficacité globale incertaine

 

Sans le contact tracing, il est vraisemblable que les contaminations auraient été plus nombreuses ou rapides et leur incidence plus forte sur les hôpitaux, mais ces impacts ne peuvent être quantifiés en l’absence d’évaluation scientifique.

 

L’assurance maladie est parvenue à joindre plus de neuf personnes sur dix dépistées positives ou qui lui ont été déclarées comme cas contact et plus de 90 % des personnes positives jointes l’ont été dans les 24 heures suivant l’annonce du résultat du test. En revanche, seules 70 à 80 % des personnes contact ont été jointes dans les 24 heures suivant leur recensement.

 

Surtout, l’assurance maladie n’est parvenue à recenser qu’une partie, potentiellement minoritaire, des personnes contact. En moyenne, une personne dépistée positive sur deux ne lui a déclaré aucune personne contact en 2020 et en 2021. En augmentant sa charge de travail, les vagues épidémiques ont conduit l’assurance maladie à alléger ses procédures de recherche des cas contact. Devant l’impact des 5e à 7e vagues sur le nombre de personnes à contacter, l’assurance maladie a dématérialisé l’essentiel des procédures de traçage. Or, l’envoi de SMS aux personnes positives pour les inviter à télédéclarer leurs contacts sur un site internet entraîne moins de déclarations de cas contact que les appels téléphoniques. Près de 90 % des personnes positives n’en ont déclaré aucun au premier semestre 2022.

 

En outre, les rares éléments d’analyse disponibles font apparaître un respect partiel par les personnes positives et par leurs contacts des consignes de prévention qu’elles ont reçues, ce qui n’a pu qu’amoindrir l’efficacité du contact tracing.

 

Un dispositif en voie d’extinction, des enseignements à tirer

 

La vaccination est devenue le principal instrument de lutte contre l’épidémie, alors que le contact tracing ne recense plus qu’une part réduite des personnes contact (moins de 0,5 en moyenne par personne positive en juillet 2022, contre près de 2,5 en novembre 2021).

 

La loi du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid 19 conduit à interrompre ce dispositif au 31 janvier 2023, après la nouvelle vague épidémique qui a débuté et potentiellement au cours d’une nouvelle vague en hiver. Les effectifs consacrés par l’assurance maladie au contact tracing ont été fortement réduits (350 ETP de CDD-CDI en septembre 2022, contre 6 500 en moyenne en 2021).

 

Il apparaît cependant essentiel que les outils, procédures et effets d’apprentissage du contact tracing soient valorisés pour l’avenir. Dans l’éventualité de la survenance de nouvelles épidémies de grande ampleur ou d’une virulence accrue de celle de la covid 19 (dans l’hypothèse où la protection apportée par les vaccins disponibles deviendrait insuffisante), il convient de permettre aux pouvoirs publics d’activer rapidement un dispositif opérationnel et plus performant dans l’attente d’une couverture vaccinale efficace.

 

Les principaux enseignements de l’enquête

 

Le traçage des personnes contact à risque de personnes dépistées positives, ou contact tracing, est un dispositif de prévention de la covid 19, devenu secondaire à la suite de la montée en charge de la vaccination.

 

L’assurance maladie s’est fortement impliquée dans cette mission de santé publique inédite et de grand ampleur et a joint dans des délais rapides plusieurs dizaines de millions de personnes positives et de personnes contact.

 

Cependant, elle n’est parvenue à recenser qu’une partie des personnes contact. Le remplacement des appels téléphoniques par des demandes par SMS de déclaration des contacts sur internet s’est accompagné d’une chute des nombres de contacts déclarés. L’efficacité du contact tracing a par ailleurs été affectée par des facteurs sur lesquels l’assurance maladie ne pouvait avoir prise (non-respect des consignes de prévention données).

 

Alors que le contact tracing va s’arrêter fin janvier 2023, il convient de procéder à une évaluation scientifique de son impact sur les chaînes de contamination de la covid 19 afin de concevoir un dispositif plus efficace dans l’éventualité de nouvelles épidémies ».


Tracer les contacts des personnes contaminées par la covid 19 : une

Forte implication de l’assurance maladie, une efficacité incertaine Audit flash

Décembre 2022






 

 

 

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