Renaud Piarroux : l'expérience des épidémies et de leur gestion sur le terrain s’est perdue en France,

Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, prône un suivi étroit des cas sur le terrain, parallèlement au confinement, afin d’éviter une deuxième vague de contamination. 

Extraits

Concrètement, quelle stratégie faudrait-il mettre en œuvre ?

La France n’a pas adopté la stratégie de certains pays qui ont déployé des équipes pour identifier les cas, rechercher les porteurs du coronavirus dans leur entourage, isoler tous les porteurs parallèlement au confinement. Cette méthode implique de nombreux tests, des enquêtes épidémiologiques et l’isolement de toutes les personnes qui pourraient être porteuses du virus.

Aujourd’hui, quand un malade vient aux urgences à l’hôpital et qu’il ne remplit pas les critères d’une hospitalisation, il repart avec une fiche donnant quelques consignes, une invitation à s’inscrire sur Covidom [application gratuite de suivi à domicile], mais on ne lui donne pas de masques, ni de solution hydroalcoolique. Ainsi, il est susceptible de contaminer d’autres personnes sur son trajet ou à son domicile. S’il n’est pas isolé, on a des chaînes de transmission, comme en témoigne la survenue de nouveaux cas trois semaines après l’entrée en vigueur du confinement. Il faut identifier et isoler les malades et les porteurs.

Pourquoi cette méthode n’est-elle pas systématiquement appliquée ?

L’expérience des épidémies et de leur gestion sur le terrain s’est perdue en France, si l’on excepte le monde humanitaire, mais MSF n’est pas dans le tour de table des cellules de crise. Du coup, des réflexes manquent, comme celui d’aller voir au plus près du terrain où sont les cas, d’établir une courbe épidémique sur des endroits précis, même si cela implique un énorme travail.

Il est nécessaire d’avoir des équipes mobiles qui viennent voir les familles où il y a des cas pour les informer, les aider à se protéger pour éviter la transmission, les tester et isoler les porteurs du coronavirus.

Bien sûr, outre les problèmes de disponibilité des tests, cela pose celui de l’acceptabilité de l’isolement, soit au domicile, soit dans un hôtel ou un autre lieu. Mais, si cette méthode n’est pas appliquée, nous resterons trop longtemps avec trop de cas. Nous devons recréer ce savoir-faire, comme nous avons su créer des places en réanimation. Cela doit se faire pendant le confinement en renforçant la surveillance là où existent des clusters. D’où l’importance de la cartographie des cas.
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Le traçage par l’utilisation des données de téléphonie mobile contribuerait-il à la démarche que vous proposez ?

Le traçage permet de localiser les cas de manière anonyme. Les données personnelles – adresse, numéro de téléphone… – dont disposent par exemple les centres 15 à partir des appels ne peuvent pas être utilisées, du moins pour l’instant. Alors, de grandes entreprises ont proposé des solutions numériques totalement anonymisées. Mais cela transforme les cas en points et je ne sais pas faire porter un masque à un point, ni l’aider à protéger ses proches.




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