William Dab : il y a une sorte de procrastination


 Quand vous faites la guerre, si vous n'avez pas l'effectif des troupes et des armements en face de vous, vous ne pouvez pas vous battre et ça, nous ne l'avons pas. Pour l'instant, il n'y a que des épidémiologistes britanniques qui ont fait des estimations du nombre de personnes infectées en France. Or, nous avons les compétences pour faire cela. La question est donc  de savoir si elles ont été sollicitées et par qui ?

Ensuite, il y a des centaines de gens qui se contaminent tous les jours. Pourquoi se contaminent-ils ? C'est absolument essentiel d'avoir la réponse. Et là aussi, on peut avoir des pistes. Alors bien sûr, on ne peut pas investiguer des centaines et des milliers de cas tous les jours. Mais enfin, en épidémiologie, il y a une méthode qui a fait ses preuves, qui est celle du sondage. En fonction des moyens qu'on a, on peut investiguer une personne sur 100 ou une personne sur 200 et essayer de comprendre pourquoi tant de gens se contaminent encore aujourd'hui. Et ce travail n'est pas fait, alors que nous avons les compétences de le faire. Il faut un endroit unique où la cartographie de la pandémie est réunie ou les moyens de lutter contre elle sont discutés et répartis. Je ne dis pas que les gens qui travaillent actuellement travaillent mal. Je dis qu'il n'y a pas de commandant en chef contre cette épidémie.

Je n'ai pas entendu que la Direction Générale de la Santé avait reçu le mandat du Président ou du Premier Ministre d'être le général en chef contre l'épidémie. Il y a des comités qui ont été créés. Il y a un centre interministériel de crise. Il y a une mission qui a été confiée à monsieur Castex [NDLR : Jean Castex a été nommé par le gouvernement pour travailler sur des scenarii de déconfinement]. Au final, qui dirige ? Qui fait le plan d'attaque ? Qui répartit les moyens ? Qui fait la logistique ? Pour moi, c'est pas clair. Ce serait logique que ce soit la DGS. Mais je ne vois pas qu'on lui ait donné ce mandat et les moyens qui vont avec clairement.

 Parmi les mesures à prendre en urgence, vous partagez l’avis du conseil scientifique, il faut isoler les malades et les mettre dans des hôtels. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

"Cela fait quand même plusieurs semaines que ce sujet est sur la table. On sait que les Chinois l'ont utilisé. On sait que Madrid l'utilise avec succès. On sait que les hôtels sont vides et on laisse retourner chez eux des gens contagieux, soit qu'ils sortent du cabinet du médecin, soit qu'ils sortent de l'hôpital où ils n'ont plus besoin de soins. Et évidemment, retournant chez eux, ils contaminent d'autres gens. Il faut quand même penser que beaucoup de gens vivent dans des petits appartements. Les enfants sont là, tout le monde est présent. On ne peut pas éviter une contamination. C'est vraisemblablement une des principales sources qui continue d'alimenter le flux des malades. Même si ce flux ralentit, il n'est pas tari. Les hôtels sont vides, encore une fois. C'est quand même pas compliqué à organiser. Mais il y a une sorte de procrastination. Peut-être que personne ne sait qui doit prendre cette décision là et tout le monde se dit que c'est l'autre qui va la prendre. Ça fait des jours que ça dure et rien ne se passe.




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