Disposons-nous des données nécessaires pour piloter la stratégie de déconfinement ?
La gestion de la crise sanitaire repose assez largement sur deux macro-indicateurs : le taux de reproduction et le nombre de nouvelles contaminations quotidiennes. L’institut Pasteur vient de nous apprendre qu’autour de 3 900 personnes ont probablement contracté le virus (avec une fourchette allant de 2 600 à 6 300 personnes) : le même modèle prévoyait plutôt 1 300 infections quotidiennes (entre 840 et 2 300) en ce début de semaine. Le taux de reproduction est, pour sa part, passé de 0,5 à 0,65 et 0,7 On sait que les modèles sont des constructions fragiles. C’est sur la base de ces deux macro-indicateurs que le gouvernement pourrait être conduit, s’ils remontaient, à re-durcir les mesures de restriction.
Il faut qu’il ait confiance dans la pertinence de ces indicateurs et dans leur valeur prédictive. Et la société avec lui (même s’ils ne sont pas rendus publics).
Ces modèles reposent sur une batterie d’indicateurs : indicateurs de pression épidémique (passages aux urgences, activité SOS médecins etc), indicateurs de capacité de l'offre de soins » (flux d'hospitalisation, taux d'occupation dans les services de réanimation) et indicateurs de performance des mesures de contrôle de l'épidémie (nombre de tests RT-PCR pour 100 000 habitants, nombre et proportion de nouveaux cas confirmés connus comme sujet contact d'un cas...).
Sont-ils les plus pertinents ou sont-ils ceux dont on dispose et dont on doit se satisfaire, dans l’état actuel des systèmes d’information.
Le moment n’est-il pas venu de se donner les moyens :
de comprendre quelle part de la population est porteuse du virus (via des tests hebdomadaires, voire quotidiens sur un échantillon de la population).
De comprendre comment et où les personnes se contaminent (et pas seulement qui elles sont susceptibles d’avoir contaminé) pour identifier des foyers potentiels.
Ou encore de dresser une cartographie fine des cas de contamination pour savoir quels quartiers tester en priorité ou pour savoir où il convient de déployer des drives.
Peut-on attendre fin mai pour connaître le statut immunitaire de la population ?
Au total, il devient possible de répondre à la crise non plus exclusivement à partir de modèles cinématiques de l’épidémie, aux hypothèses très simplificatrices (propagation homogène sur un territoire, par exemple), mais en se fondant sur une compréhension fine des situations et épisodes de contamination (cela se fait déjà, mais on peut aller beaucoup plus loin).
Pour ce faire, il faut d’ores et déjà penser les enquêtes sanitaires qui accompagnent le déconfinement comme les premières briques de vastes réseaux de santé collaboratifs et ancrés dans leur territoire — ce sont les mailles du filet.