La privatisation de la recherche de contacts en Angleterre est un fiasco


 

A la sortie du confinement, comme la plupart des pays européens, l’Angleterre a mis en place une « force sanitaire » pour remonter les contacts, tester les personnes susceptibles d’avoir été contaminée et les isoler. En France, cette mission a été confiée à la CNAM (« la brigade sanitaire »). En Allemagne, des enquêteurs ont été recrutés pour renforcer les 375 autorités locales de santé publique, avec des médecins sur place pour administrer les tests.

 

En Angleterre, le gouvernement britannique a opté pour la sous-traitance à deux entreprises privées. Bilan : 25 000 employés recrutés à la hâte, mal formés, sous-payés, désœuvrés.

 

Le Premier ministre britannique Boris Johnson annonçait, il y a un mois, la mise en place d’une force sanitaire « unique au monde » («World Beating»)  pour contacter les personnes exposées au coronavirus et contenir sa propagation.

 

Après une décennie d'austérité et de contraction des effectifs des services de santé publique, le gouvernement britannique a confié une grande partie de cette mission à Serco, un géant de l'externalisation dans les domaines de la santé, des transports, de la justice, de l'immigration et de la défense. (Le Pays de Galles et l'Écosse, pour leur part, s’appuient sur les services de santé publique pour gérer leur programme de recherche de contacts).

 

En Angleterre, le contrat pour la recherche de contacts a été attribué dans le cadre d'une procédure non publique. Et ceci bien que Serco ait récemment été condamné à une amende de 19 millions de livres à propos d’un autre  contrat, relatif lui à la gestion des prisons. Le contrat  se monte à 119 millions d’euros. Serco avait proposé de fournir le service avec une marge bénéficiaire extrêmement serrée de moins de 5%, soit environ la moitié de la marge de son concurrent le moins cher.

 

Les « traceurs » recrutés par Serco sont payés 9,63 euros de l’heure (soit deux fois moins que leurs homologues aux Etats-Unis). Certains d'entre eux étaient des adolescents qui n'avaient jamais occupé d'emploi auparavant. Après avoir répondu aux annonces en ligne pour les emplois décrits comme « service client », ils ont commencé à travailler avec peu ou pas de formation.

 

Les chiffres du gouvernement montrent que des milliers de patients infectés n’ont pas été contactés.

 

Contactés par le New York Times, les « traceurs » se déclarent sous-utilisés. L’un d’entre eux declare que desoeuvré, il passe la plupart de son temps à regarder des films.

 

Selon le New York Times, le déploiement précipité, le 28 mai, de cette force sanitaire « composée de milliers de « traceurs », mal formés et mal payés (…)  porte la marque des autres efforts désastreux de la Grande-Bretagne pour répondre au coronavirus: des données aléatoires, un accent mis sur le théâtre politique et une forte dépendance à l'égard du secteur privé ».

 

Le gouvernement britannique a misé, en effet,  sur des entreprises privées dans sa réponse à la pandémie : le cabinet Deloitte pour la gestion des centres de test et Palantir pour la gestion des données épidémiologiques.

 

England’s “World Beating” System to Track the Virus Is Anything But


 https://www.nytimes.com/2020/06/17/world/europe/uk-contact-tracing-coronavirus.html

 

 

 

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