Belgique : engorgement du suivi de contacts

En Wallonie et à Bruxelles, selon l’hebdomadaire Le Vif  « on enregistre un retard considérable en ce qui concerne les appels que les membres de la plateforme de tracing doivent passer aux personnes testées positives et à leurs contacts ».

Pour la seule journée du 4 octobre, les agents wallons en charge du tracing n'avaient pas réussi à contacter 30% des personnes censées être jointes. De plus, seuls 1.026 des 2.734 contacts de ces patients ont été appelés,  soit 38%.  Bruxelles est confrontée au même problème, dans une moindre mesure, avec 60 % des appels passés le même jour. 


Deux raisons principales sont évoquées pour expliquer ce retard. 

  • Des problèmes techniques. La ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale (PS), attribue ces difficultés au logiciel des centres d'appel.  Selon Pascal Cools de la mutuelle socialiste Solidaris, coresponsable de la recherche de contacts « si les agents ne peuvent pas faire leur travail, le retard s'accumule. Cette plate-forme logicielle a souvent souffert de bugs dans sa phase initiale, bien que la situation se soit progressivement améliorée ». La recherche de contact flamande utilise la même plateforme, mais semble avoir peu de problèmes.
  • Effectifs insuffisants: « L'augmentation soudaine des cas positifs, qui engendre à chaque fois une recherche de contact, provoque un engorgement. Pour la présidente du Comité interfédéral testing et tracing, Karine Moykens : "L'arriéré de la recherche wallonne et bruxelloise est dû au fait qu'ils n'ont pas augmenté assez rapidement leur nombre des personnes en charge du contact tracing". Du coup, le nombre d'agents bruxellois va passer de 143 à 168 d'ici à la semaine prochaine. Un constat partagé côté wallon, où l'on souhaite doubler le personnel "dès que possible". »

Selon l’épidémiologiste Yves Coppieters (ULB), « le suivi de contacts court après le virus … Il n’arrive plus à identifier les vrais foyers de contaminations pour  essayer de comprendre au niveau sociologique, au niveau comportemental, ce qui s’est passé ».


Le 14 octobre, 7sur7 rapporte que le centre pour le suivi des contacts de la Région bruxelloise, submergé, a décidé de simplifie la procedure de recherche des contacts pour désengorger le système : les  personnes contactées qui n'ont toujours pas effectué de test après trois jours ne seront plus rappelées : des SMS leur seront toutefois adressés.


« Si nous pouvons les prévenir par SMS, nous pourrons mieux traiter le volume de travail, explique Inge Neven, responsable du Service de l'inspection de l'hygiène. Si une personne reçoit un SMS, elle peut toujours appeler le call-center si elle souhaite plus d'explications. Mais aujourd'hui, malheureusement, certains contacts particulièrement à risque n'ont toujours pas été appelés. Nous ne pouvons pas aller plus vite que le virus », déclare encore Inge Neven, qui plaide par ailleurs pour un examen à l'échelle nationale du système de traçage.  


En juillet dernier, l'hebdo LeVif qualifiait « d’ubuesque » le tracing du coronavirus. 

 

« Pierre angulaire du suivi de l'épidémie, le traçage et ses couacs donnent des sueurs froides aux épidémiologistes. Depuis quelques jours les témoignages de certains des 300 traceurs covid apparaissent dans différents médias. Ils y racontent leurs journées à regarder netflix ou à attendre, pendant trois jours, un mot de passe pour pouvoir se connecter au système».


« Comment se fait-il qu'autant de traceurs n'aient pas grand-chose à faire ? Au début de la crise, on a engagé beaucoup de traceurs de contact, mais il y a peu d'infections pour le moment. De plus, les personnes que nous appelons ne donnent pas beaucoup de contacts… Le problème est donc à double tranchant : lorsqu'on a trop d'enquêteurs, certains passent leur journée à regarder Netflix. Mais une semaine plus tard, la situation peut complément basculer et l'on se retrouve alors face à une pénurie cruelle de personnel».


 «Les traceurs n'arrivent pas à joindre 40 % des personnes infectées. Et même lorsque les informations finissent par être récoltées, elles ne sont pas correctement transmises à Sciensano ou encore l'Agence flamande pour les soins et la santé. Enfin, lorsque les données recueillies lors de la recherche des contacts aboutissent dans des bases de données, celles-ci semblent caduques par manque de flexibilité. Vous ne pouvez pas relier le dossier d'un patient infecté aux dossiers des personnes avec lesquelles il a été en contact. Vous ne pouvez pas non plus relier les fichiers de ces contacts». 


C'est d'autant plus inquiétant que pour endiguer l'épidémie il est primordial de cartographier les groupes d'infection. « Nous le demandons depuis des semaines", explique le professeur de biostatistique Niel Hens. "Quand je vois à quel point la détection des contacts est mauvaise, je me demande pourquoi nous nous donnons tant de mal »


D’après le professeur Bart Preneel, « on a accordé beaucoup trop peu d'attention aux experts ayant l'expérience de la recherche de contacts et trop aux spécialistes des technologies de l'information ». 


En Belgique, le suivi des contacts est réalisé par le biais d'une collaboration entre l'AVIQ (Agence pour une vie de qualité) pour la Wallonie, les services du Collège réuni de la Commission communautaire commune (COCOM) pour Bruxelles, la VAZG pour la Flandre et le Ministère de la Communauté Germanophone.


Sources

L'ubuesque tracing du coronavirus

Coronavirus en Belgique: le tracing, crucial mais en recherche d'efficacité

Page officielle sur le suivi des contacts : ralentir le virus ensemble

Iriscare : FAQ – TRACING


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