Un outillage numérique défaillant a pénalisé au printemps la gestion interministérielle de la crise sanitaire

Edouard Philippe avait  fait appel fin mars au général Richard Lizurey, ancien directeur général de la gendarmerie nationale pour un audit de la gestion de crise.

On connaissait, grâce  à  des fuites dans la presse (Mediapart,  Canard Enchainé)  les grandes lignes de l’audit (resté confidentiel). La commission d’enquête du Sénat avait demandé et obtenu début novembre que le rapport lui soit communiqué. 


Le rapport est en ligne, depuis quelques semaines. Sa publication est largement passée inaperçue. 


Voici les principaux constats

 

Une chaîne de commandement très centralisée, à la lisibilité imparfaite 

Une organisation insuffisamment formalisée 

Une CIC insuffisamment interministérielle, qui n’a pas permis d’associer d’autres acteurs clés de la gestion de crise 

Un partage d’information complexifié par la multiplication de structures avec des compétences se recoupant partiellement 

Une organisation ad hoc qui a structuré rapidement une expertise au prix d’un certain dessaisissement des directions compétentes 

Une difficulté à mobiliser des compétences logistiques, en particulier dans le champ de la santé 

Une prise en compte insuffisante du risque de contamination au sein de la CIC et des instances de décision  



Le rapport pointe toute une série de difficultés liées à un sous-équipement numérique


Messageries saturées : « Les équipes chargées de la gestion de  (..) ont rapidement été confrontés à la difficulté de gérer un flux d'information abondant et changeant. Dans les premiers temps de la crise, les synthèses, fiches thématiques et instructions étaient éparpillées et il était difficile pour les équipes d’identifier les derniers documents validés.

Cette situation a conduit à multiplier les messages à destination des différents responsables de tous niveaux et à saturer les messageries.


Absence d’outils interministériels de visioconférence : « La gestion de crise a également mis en lumière la faiblesse des moyens techniques de visioconférence du ministère de l’intérieur et l’absence d’un tel système au niveau interministériel. Faute de bande passante ou de ponts suffisants, plusieurs préfets ont vu leur visioconférence annulée et ont dû se reporter vers des outils de visioconférence civils ou d’audioconférence ».   


Un processus manuel de réponse aux questions d’application des nombreuses normes édictées en un temps très court : «  La procédure établie a consisté à diriger toutes les questions émanant des préfectures, ARS, ministères ou acteurs extérieurs vers une adresse mail unique, qui les intégrait dans un tableau de suivi et les transférait vers la coordination de la CIC thématique afin qu’elle identifie le(s) pôle(s) compétents pour répondre à la question. (…) Le suivi manuel des questions ne permettait pas de suivre rapidement et efficacement les questions en suspens et le délai de réponse, et entraînait le risque de questions oubliées. Au 10 avril, il existait un solde important de questions sans réponse (…) . De nombreuses questions étaient redondantes avec la FAQ, témoignant de difficultés d’appropriation de l’outil (l’absence de sommaire et de recherche par mots clés ne facilitant pas son utilisation) ».


Parmi les 21 recommandations, 3 portent sur l’outillage numerique du pilotage de crise interministériel : 

« Mener à bien le travail de conception de la plateforme interministérielle de partage de données Atalante »

« Développer un dispositif interministériel de visioconférence »  

« Développer ou adapter un outil numérique de saisine et de gestion des questions de mise en oeuvre opérationnelle, accessible aux préfectures, ARS et ministères »





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