Le système de santé allemand combat le Covid19 avec du papier, des stylos et des télécopieurs
Traduction d'un article publié le 27 janvier 2021 par DieWelle
Qu'il s'agisse d'Ebola, de variole du singe, de la fièvre de Lassa ou des méningites à méningocoques: les épidémies au Nigeria et au Ghana sont combattues depuis des années avec un logiciel allemand, baptisé Sormas («Surveillance Outbreak Response Management and Analysis System»).
Ce logiciel de suivi de contacts et de détection des foyers d'infection a été développé par les épidémiologistes du Centre Helmholtz pour la recherche sur les infections (HZI) à Braunschweig lorsqu’Ebola faisait rage en Afrique de l'Ouest en 2014 .
Depuis 2014, le Sormas a été modifié et enrichi de manière à pouvoir lutter contre 37 maladies infectieuses. Y compris la Covid-19. La Suisse et la France, mais aussi Fidji, utilisent SORMAS pour combattre le coronavirus. Le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Népal et l'Afghanistan se préparent à le déployer ...
Les autorités sanitaires allemandes disent « non merci »
Les experts de l'Institut Helmholtz ont paramètré et adapté Sormas dès mai 2020. Mais Sormas tarde à être adopté dans le pays de ses inventeurs. Jusqu'à présent, il n'a été installé que dans 132 des 400 centres de santé.
Les centres de santé (Gesundheitsämter) travaillent encore avec des systèmes obsolètes : listes manuscrites et tableurs Excel imprimés. Les données sont échangées par fax puis re-saisies à la main. Aucun autre domaine ne recourt autant au fax que secteur de la santé, constatait, mi-figue mi-raisin, le ministre fédéral de la Santé Jens Spahn au début de son mandat. Il n'est plus d'humeur à plaisanter.
La centralisation des données sur les résultats des tests n'est toujours pas numérisée
Jens Spahn a alloué 50 millions d'euros en 2020 pour la numérisation des centres de santé. Un accès gratuit au logiciel Sormas leur était proposé : le ministre ne peut cependant pas l'imposer. La responsabilité de l'équipement des bureaux de santé et donc le choix des outils numériques incombe aux Länder et aux centres de santé eux-mêmes.
La situation est différente pour la connexion des médecins, des hôpitaux et des laboratoires au système Demis, mis en place par l'Institut Robert Koch (RKI), le chef de file fédéral de veille sanitaire et de lutte contre les épidémies. Assez largement adopté, Demis dématérialise la notification des maladies et agents pathogènes à déclaration obligatoire.
Le ministre fédéral de la santé a décidé que les alertes et les données sur ces maladies ne seraient transmises que par voie électronique, déclarant que « le fax avait fait son temps ».
Des taux d'incidente incohérents
Ce n'est, bien sûr, pas si simple. 97% des bureaux locaux de santé sont connectés à DEMIS, mais dans une version allégée, encore en phase de test. Et l'Institut Robert Koch n'y est pas encore pleinement impliqué. Seuls certains laboratoires peuvent transmettre par voie numérique les résultats des tests aux personnes concernées.
Les laboratoires transmettent donc les résultats aux centres de santé par voie électronique mais également par télécopie. Il appartient aux centres de santé de prévenir les personnes positives et de transmettre les statistiques de tests positifs à l'Institut Robert Koch. A cette fin, ils utilisent un autre télé-service, Survnet, déployé par l’l'Institut Robert Koch.
Ces dernières semaines, des milliers de rapports ont été mis de côté par les centres de santé. Concentrés sur la recherche des contacts, ils reportaient à plus tard la transmission du nombre d'infections à l'Institut Robert Koch via Survnet.
Et pour compliquer le tout : les centres de santé ne sont pas seulement tenus de transmettre les chiffres sur les contaminations à l'Institut Robert Koch : ils doivent aussi les communiquer aux services de santé municipaux et à ceux des Lander. Et ils le font, par e-mail. Résultat : l'Institut Robert Koch a publié à plusieurs reprises dans son rapport de situation quotidien des chiffres d'infection différents de ceux rendus publics par les municipalités ou les Lander.
Ces retards ont des conséquences
Le gouvernement fédéral est également aux prises avec le système de reporting peu fiable. Comme les centres de santé sont fermés le week-end, les chiffres sur les taux d’incidence sont généralement incomplets le lundi. Leur fermeture entre Noël et le Nouvel An a eu des conséquences extrêmes.
Lorsque la Chancelière et les ministres-Présidents ont discuté de la prolongation du verrouillage en début d'année , ils ont dû admettre publiquement qu'ils ne disposaient pas données fiables sur le taux d'incidence en Allemagne. Selon la chancelière, les rapports mis de côté ne seraient traités qu'au plus tôt à la mi-janvier. Mais même maintenant, certains centres de santé n'ont toujours pas éclusé l'arriéré.
On débat actuellement des mesures à prendre pour contrôler les contaminations afin de rouvrir magasins, restaurants et théâtres. La limite supérieure mentionnée à maintes reprises est de 50 nouvelles infections pour 100 000 habitants en moyenne sur sept jours. Un indicateur qui n'est pas d’une grande rigueur mais qui prend en compte la « performance moyenne d'un bureau de santé » comme l'a récemment confirmé la chancelière Angela Merkel.
L'agacement croissant de la Chancelière
Ces performances pourraient certainement être améliorées avec un outillage numérique approprié. En novembre, la chancelière a encouragé les Länder à adopter le plus rapidement possible tous le même logiciel Sormas pour la recherche des contacts (tracing). L'objectif avait fixé au début du mois de janvier 2021. Mais il ne s’est pas passé grand-chose, chaque centre de santé utilisant ses propres solutions.
La Rhénanie-Palatinat, par exemple, a acheté le logiciel Mikado, développé par une société basée en Rhénanie-Palatinat. Mikado n'est pas compatible avec Sormas. Angela Merkel a dû admettre que l'installation d’un même logiciel de tracing à l'échelle nationale n'avait « pas réussi, certains Länder préférant d'autres systèmes équivalents ».
Les Länder avaient tous promis d'installer Sormas d'ici la fin février. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il est utilisé.
Le 21 janvier, Angela Merkel a consacré une partie de sa conférence de presse à convaincre les Länder des avantages d’un logiciel commun pour le suivi des contacts et à plaider pour l’adoption de Sormas.
En d'autres termes: il faudra probablement pas mal de temps avant que l'Allemagne se dote d’un outil numérique de lutte contre l’épidémie aussi efficaces que celui que le Nigéria avait utilisé 2017 face à trois épidémies qui avaient éclaté en même temps.
Source:
Gesundheitsämter: Mit Papier, Stift und Fax gegen Corona (26 janvier 2021)
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